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Hébron dans la tourmente économique venue de l’Empire du Milieu.

Hébron dans la tourmente économique venue de l’Empire du Milieu.

Plus grande ville palestinienne de Cisjordanie, avec une population de 250 000 habitants, Hébron est un important centre commercial et industriel. Il contribue à près de la moitié du produit intérieur brut (PIB) de la Cisjordanie.

Mais une vague de produits chinois bon marché a été la dernière goutte d’eau pour les entreprises qui luttent déjà contre les mesures israéliennes qui ont gonflé les coûts de transaction et nui à la croissance économique.

Très dynamique, Hébron est considérée comme la capitale économique de la Palestine, bien que Naplouse ancienne tenante du titre, le lui dispute toujours!

Hébron contribue à hauteur de 42% au PIB palestinien. On y compte 60% des bijoutiers, 80% du commerce du plastique (exporté dans 24 pays), 90% de chaussures et 60% des meubles. Les deux plus importantes sociétés de production de produits laitiers sont hébronites,  et 500 sociétés d’industrie métallique y sont déclarées. Quant à l’industrie de la pierre et du marbre – la plus importante de Cisjordanie est à Hébron et exporte dans 65 pays (source : chambre de commerce d’Hebron). Les entrepreneurs d’Hébron situent l’âge d’or de l’industrie locale entre 1970 et 1990.

Avant Oslo (1993) et le protocole de Paris (1994) qui régit les relations économiques entre l’Etat d’Israël et l’OLP,  les palestiniens ne pouvaient importer des marchandises que de la Jordanie, de l’Egypte et d’Israël. Les accords de Paris  ont permis aux Palestiniens d’importer directement du monde entier. Les commerçants ont immédiatement tiré à profit cette nouvelle opportunité. Au début des années 2000, la foire de Canton en Chine a accueilli jusqu’à 660 entrepreneurs Hébronites à la fois. Ce qui a fait croire à beaucoup de chinois qu’Hébron était un pays et non une ville.

L’impact des importations chinoises sur la production locale a commencé à se faire sentir en 1999/2000.  Elle a aussi impacté l’artisanat de la céramique et du verre soufflé passés de produits usuels de la vie quotidienne à des objets folkloriques pour touristes.

L’industrie de la chaussure et du cuir illustre particulièrement les effets de la concurrence chinoise. Autrefois pilier de l’économie locale, elle est aujourd’hui en grave déclin, les entreprises luttant pour faire face à l’afflux croissant sur le marché local de chaussures chinoises bien meilleur marché.

Pendant des décennies, la ville d’Hébron a été réputée pour ses ouvriers cordonniers qualifiés, produisant des chaussures en cuir, confortables et solides. Selon les statistiques de la chambre de commerce d’Hébron (CCI), la ville comptait 1 200 entreprises de chaussures prospères, employant 40 000 personnes, soit un tiers des résidents d’Hébron de 1970 à 1990.

Maintenant, le secteur est en ruines car – en plus des restrictions israéliennes sur les exportations – les consommateurs palestiniens optent pour des chaussures plus « esthétiques », quoique de moindre qualité, fabriquées en Chine. Toujours selon la CCI, il n’y a pas plus que 250 usines de chaussures en activité, employant seulement 4 000 ouvriers.

Pour contrecarrer le marasme de ce secteur un pôle commercial (Hebron’s Leather & Shoes Cluster) a été créé en février 2014 sur des financement de l’Agence Française de Développement (AFD)[1]. Un travail de formation important (design, finition, coût de production) a permis d’ouvrir un an et demi plus tard une boutique coopérative de quinze fabricants locaux « shoes made in Palestine ». Le succès est tel que d’autres artisans demandent à en faire partie et qu’une boutique ouvre à Amman en Jordanie. L’économie dans le secteur commence d’ailleurs à montrer des signes de renouveau. Le marché local se concentre sur les chaussures d’homme et d’enfants dont la première vertu souhaitée par le consommateur local est la solidité ; les femmes préférant encore les modèles chinois considérés comme plus « tendance». Le programme du cluster inclut également la création d’un Centre d’Excellence qui aura une quadruple vocation. La formation, l’aide au design, un centre ressource documentaire et la mise en œuvre de normes de qualité de type ISO qui limiteront les importations chinoises aux produits de qualité assurant la santé des utilisateurs. Il garantira également la qualité des chaussures hébronites à l’exportation.

Les taxes à l’importation sont de 12% en Palestine et en Israël. Au printemps 2013, l’Autorité palestinienne a imposé une surtaxe de 35% aux importations chinoises dans le but de protéger les produits locaux. Israël ne reconnaissant pas cette mesure, certains businessmen hébronites ont alors importé les produits en Israël avant de les importer en Palestine ce qui d’une part annulait la taxe de 35% mais également remplissaient les caisses du ministère israélien de l’économie et non du ministère palestinien. Cette mesure a donc bien vite été supprimée.

L’impact de la concurrence turque se fait également sentir depuis presque dix ans.

Notons qu’en zone C, entièrement contrôlée par l’armée israélienne, des usines clandestines de chaussures qui emploient 400 ouvriers, fabriquent de la contrefaçon à raison de plusieurs milliers de paires par mois. L’Autorité Palestinienne n’a aucune prise dans ces zones pour faire stopper cette production. Quant aux israéliens, tant que cela ne nuit ni à la sécurité ni à l’économie israélienne et qu’en plus cela peut ternir l’image des palestiniens, ils laissent prospérer ce trafic.

En marge des secteurs économiques principaux d’Hébron, on trouve un atelier qui illustre la résistance à l’envahisseur chinois dans une belle success story actuelle. Il s’agit du seul atelier de fabrication de keffieh en Palestine que la famille Herbawi avait créé à Hébron en 1961. La concurrence chinoise a bien failli avoir sa peau il y a une dizaine d’années mais aujourd’hui l’usine a retrouvé une nouvelle jeunesse. Au début des années 2000, l’usine avait même dû fermer, laminée par la concurrence des keffiehs chinois vendus deux fois moins chers – c’est encore le cas aujourd’hui. Mais aidé par plusieurs ONG dont l’association d’Echanges Culturels Hébron France, l’atelier s’est modernisé et adapté à la demande internationale. Le keffieh se décline maintenant dans toutes les couleurs. Il est aussi devenu un accessoire de mode que la famille Herbawi commercialise à travers le monde utilisant au moyen de son site de vente performant. Beaucoup de boutiques de souvenirs à Jérusalem ou Bethlehem qui ne proposaient que des keffieh chinois très bon marché mais de piètre qualité, vendent maintenant les keffieh estampillés MIP (Made in Palestine)!

Voir l’article: Hebron’s Leather & Shoes Cluster : une réussite exemplaire !

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